"Cultiver ses rêves... "
- brichesoel
- 18 avr.
- 7 min de lecture
Gipcy, 21 Aout 2023
Dans un monde où "tout" ne tourne plus qu'autour d'objectifs quantifiés, quelle place reste il aux rêves ?
La culture du mystère se perds et les émotions qui y sont liées s'évaporent avec elle...
Pourtant, l'inconnu semblait (il y a encore peu) indissociable de notre pratique.
La destination aurait elle pris le dessus sur le chemin ?
La pêche de la carpe, comme toute chose, évolue; Hors le mot évolution ne signifie pas toujours que celle ci sera positive.
L’histoire a prouvé de nombreuses fois que l’homme faisait des erreurs et qu’il fallait parfois faire marche arrière pour "rectifier le tir".
L’un des points qui me dérange le plus dans l’évolution de la pêche de la carpe c’est de voir la magie s'envoler un peu plus chaque jour.
Aujourd’hui le carpiste veut tout savoir... Vite, TROP vite... et ce, à n’importe quel prix!
Pourquoi ? Des réponses, il y en a plusieurs évidement mais l’opportunisme fait partit des axes à ne pas négliger.
Par tous les moyens, le système nous emmène vers une seule et même question :
Est ce que le plan sera rentable ?
Pas le temps de chercher, pas le temps de s’investir, certains vont même jusqu’à payer pour avoir des informations (j’ai encore eu une proposition le mois dernier).
La société de consommation d’aujourd’hui s'infiltre dans le système racinaire de n’importe quoi et de n’importe qui…

Passion ou passe-temps ?
J’ai peu de souvenirs précis de mon enfance mais il y en a un qui se dénote des autres assez distinctement.
Celui d’avoir toujours eu cette même sensation et ce même questionnement lorsque la vieille R18 de mon père se garait au bord d’un nouveau plan d’eau.
Quels monstres de poissons pouvaient bien se cacher là-dedans ?
Cette simple question était un portail vers un monde merveilleux où l’imagination était souveraine.
Les frontières de ce monde étaient à peine perceptibles tant on ne savait “rien” de notre cheptel Français.
Sans ce contexte mystérieux, je pense sincèrement que ce passe-temps ne serait jamais devenu une passion pour moi.
Je ne vais pas à la pêche pour faire du score, j’y vais pour rêver.
Si je veux faire du score je vais au bowling mais ce n'est pas ma motivation principale à rejoindre le bord de l’eau !
Attention je conçois tout à fait le désir (voir même le besoin) d'obtenir un résultat satisfaisant.
Tout comme je conçois parfaitement cette envie de vouloir se mesurer aux autres à travers la compétition.
La recherche de statut au sein d'un groupe est très prononcé chez notre espèce et se manifeste de bien des manières tout au long de nos courtes vies.
Nous sommes nombreux à avoir écrit à ce propos et il me semble même qu’Eric Deboutrois citait la pyramide de Maslow dans un des derniers numéros de Média carpe cette année.
Je n’ai rien contre la compétition (à part le fait que dans certains cas, certaines personnes en perdent un peu la raison et manipulent les poissons comme de la merde).
Je me suis moi même laissé tenter à quelques reprises pendant mon adolescence.
Le fait est que la mayonnaise n’a pas prise.
Probablement parce que je ne vais pas à la pêche pour le résultat, mais avant tout pour me reconnecter avec l’instant présent.
Chercher la performance est pour moi dangereux car nos motivations peuvent nous aveugler et nous faire passer à côté de l’essence même de ce que nous recherchions inconsciemment.
D’où l’importance de nous questionner régulièrement sur nos vraies motivations à pêcher.
Si la magie et le mystère ont été remplacés par un compteur et des objectifs chiffrés alors épargne-toi d’en lire plus car tu risques d’être déçu.

Collecte d’infos : Le booster à double tranchant
Dans la pêche, cette course au “tuyau” a tendance à dévaloriser la recette du travail. Pourquoi ? Et bien tout simplement parce qu'en tant que pêcheur, si tu n’applique que ce que tu as pu récolter via tes infos, tu ne fais qu’usurper le travail d’un autre.
Collecter des infos est un travail d'enquêteur. Les appliquer n’est qu’un boulot d’acteur.
Utiliser le fruit de cette démarche pour flatter son égo d’une manière générale équivaut à se mentir à soi- même.
Ce n’est que mon avis mais répliquer au plus proche une action réalisée par un autre correspond à jouir de son travail. Il n’y a aucune personnalisation là-dedans.
J’aime à dire qu’utiliser un tour operator pour aller pêcher quelque part équivaut à finir un jeu vidéo avec les codes de triche. Pour moi, collecter des informations, c’est un peu pareil !
Au-delà de l'aspect éthique, il existe également un risque d’égarement notoire pendant la partie de pêche.
Répliquer bêtement un schéma qui a fonctionné selon tel ou tel paramètre correspond à prendre le risque de passer à côté de “sa” pêche le jour J.
En action de pêche, il est essentiel de rester attentif à tout ce qui nous entoure.
Observer le moindre détail qui pourrait mener vers une piste.
Être prêt à se remettre en question face au moindre échec.
Hors la plupart des collecteurs d’infos arrive sur place avec tant de certitudes qu’ils en perdent leur bon sens et passe à côté de choses évidentes.
Même si il n’est jamais trop tard pour chambouler un plan et repartir à zéro, le temps perdu à s’obstiner pour faire exactement comme le copain, lui, n’est pas rattrapable.
Les exemples sont nombreux et répandus à travers tout le pays.
Nul n’est plus aveugle que celui qui ne veut voir.

Autres contraintes, autres points de vue :
Il est néanmoins nécessaire de prendre du recul sur cette vision un poil extrémiste que j’ai exposé plus haut.
Il est évident que tout est relatif.
Faire tout soi-même sans aucune aide extérieure demande évidemment beaucoup d’énergie et beaucoup de temps.
Quand est il alors si cette énergie n’est plus au rendez vous ?
Nul ne garde la force de ses 20 ans éternellement et il est donc primordial de se mettre à la place de celui ou celle qui n’a plus cette énergie à donner pour découvrir par elle-même de nouveaux sentiers.
J’ai également parfaitement conscience que tout le monde n’a pas un temps énorme à consacrer à sa passion. Par conséquent, certains cherchent à atteindre leurs objectifs le plus rapidement possible quelques soient les moyens.
Soyons honnêtes, c’est tout à fait légitime et compréhensible.
Je ne peux que me mettre à la place de ces profils et me demander comment je réagirais à leur place ? Quel aspect prendrait mon adaptation ?
J’ai évidemment quelques idées mais le cerveau est doué pour jouer des tours et il n’y a finalement qu’à l’instant T que l’on découvre son attitude, ses pensées, sa nature …
Les projections mentales ne sont que des phantasmes qui sont, bien souvent, très loin de la réalité.

Vivre ses rêves au lieu de rêver sa vie :
A un stade de ma vie où le pays des rêves est de moins en moins accessible, je m'applique à chercher des solutions pour pérenniser cette quête de liberté.
La culture de la non information est pour moi une excellente roue de secours depuis plus de 15 ans. C’est un moyen d’entretenir une relation stable entre les eaux que je pêche et moi même.
Le fait de ne pas me renseigner à l’avance sur les eaux que je pratique offre l’opportunité d’une découverte totale. Chaque petite surprise est accueillie comme un cadeau.
Pas d’objectifs, pas de contraintes, pas d’attentes particulières… C’est un excellent combiné pour éviter d’éventuelles déceptions.
Ne rien attendre c’est laisser une porte ouverte. Un libre accès en fonction de l’envie du moment. C’est en quelque sorte, une forme de liberté.
Aujourd'hui si je devais chercher des informations sur les lacs et rivières je pense que je ne pêcherais plus en France. Tout simplement car je réaliserais d’autant plus à quel point la pression de pêche est une variable proche de la constance sur chaque flottes de notre pays.
Je connaitrais probablement à l’avance les cheptels de la plupart des eaux.
J’obtiendrais sûrement sans le moindre mal, des connaissances sur les tendances bénéfiques pour la pêche des lieux qui me font de l'œil, etc. …
Mais alors dans quel état d’esprit irais-je à la pêche ? Je traverserais le pays pour aller pêcher le lac X parce que c’est là bas qu’il faut être, parce que c’est là bas qu’il y a les plus grosses en ce moment ?
Je ferais une dépression parce qu'après 6h de route je constaterais que les 2 postes clé du lac sont pris ?
Je bougerais sur la rivière Y tout en faisant un détour dans les magasins de pêche pour me délester de ma maigre fortune afin d’acheter la bouillette miracle à la fiente de mouettes des Galápagos ? Tout ça pour rebroussé chemin parce que j’aurais oublié mon écho sondeur à la maison et que sur cette rivière, c’est bien connu, si t’as pas une tv t’attrape kedal ?
Alors ok je comprends que pour certains, choper des infos, c’est gagner du temps et faire un pas vers une sorte de “rentabilité” facile et rapide, si populaire de nos jours.
Cela dit, sur le terrain, c’est loin d'être toujours le cas et çà à quand même bien plus tendance à te formater dans une dynamique robotisée qu’à t’ouvrir à l'ensemble des éléments qui t'entourent.
De plus, cette manière de pratiquer amplifie le phénomène de moutonnerie, emmenant l’ensemble du troupeau sur des lieux précis, favorisant toutes ces fameuses déviances liées à la surpêche (mésententes entre pêcheurs, pollution des berges, pollution des eaux, dégradation des cheptels etc.…)
Enfin, cette dynamique tend à se fixer des objectifs généralement bien trop élevés qui, s’ils ne sont pas atteints, mènent inévitablement vers une forme de frustration générée initialement par des points de comparaison liés… aux informations.

Paradoxalement, partir pêcher sans information est un excellent moyen de rentabiliser une partie de pêche.
Ne comptant que sur nos cinq sens, l'adaptation de notre attitude se fait naturellement.
On devient plus réceptif et bien souvent plus efficace.
Quel que soit le résultat final, la frustration n’a pas sa place dans l’équation car aucun objectif chiffré n’était posé à l’avance. C’est un excellent moyen de se sentir gagnant quelles que soient les situations.
Rien ne sert de poncer internet ou d'harceler les gens sur les réseaux sociaux pour collecter les clés d’une prison invisible.
La culture du mystère ne coute rien;
En revanche elle apporte beaucoup au passionné qui n'oublie pas que l'histoire s'écrit sur le chemin et pas seulement sur la ligne d'arrivée.
Soël.







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